Archives de Catégorie: Expressions

Se faire sonner les cloches

Pâques est passée – bizarrement cette année certes – et une expression autour des cloches m’est naturellement venue en tête : « Se faire sonner les cloches ».

Bon, si vous vous faites sonner les cloches, ce n’est pas une bonne nouvelle : ne vous attendez pas au lapin qui vient vous chuchoter à l’oreille que vous pouvez aller courir dans le jardin pour chercher les oeufs en chocolat de Pâques. Non. Se faire sonner les cloches, c’est se faire remonter les bretelles, se faire gronder. Passer un mauvais quart d’heure, en somme. Ma propension à vous expliquer une expression idiomatique par une autre expression idiomatique n’est peut-être pas une stratégie des plus pédagogiques, me dis-je….

sonner-les-cloches-2Apparemment, l’expression daterait du XVIIème siècle et renverrait au symbole de puissance sonore d’une cloche et son écho impressionnant : le sermon fait n’est ainsi pas prêt d’être oublié. On vous a réprimandé pour de bon ! En d’autres termes – et toujours dans le souci d’enrichir vos expressions – on vous a passé un bon savon !

Écoutez ce petit podcast de RFI sur l’expression, les explications des enfants sont succulentes ! Je viens aussi de me rendre compte – l’amnésie me guette ! – que j’avais couvert cette expression sur ce post, avec d’autres autour des cloches, alors prenez cet article comme une révision !

Eh bien, voici peut-être un avantage du confinement, un peu moins d’occasions de contact social et du risque de se faire sonner les cloches par une « grosse cloche » ! 😉

Expressions en bonus :

se faire passer un savon / se faire remonter les bretelles = se faire sonner les cloches = être réprimandé, grondé.

Passer un mauvais quart d’heure = passer un mauvais moment.

une grosse cloche ou être cloche = un/e idiot/e.

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Prendre son mal en patience

En plein confinement et apprenant ce matin que cela durera 15 jours de plus minimum (3 semaines devant nous donc au bas mot !), cette expression me vient naturellement à l’esprit. On associe ici une vertu – la patience – à un mal : le confinement, mais au-delà du confinement, le mal c’est surtout ce virus qui terrorise le monde et nous terre chez nous, perplexes et inquiets.

« Prendre son mal en patience », c’est supporter sa peine – ou toute situation désagréable – avec résignation…Résignation et sagesse car il nous en faut en ce moment ! L’expression existerait depuis le XIIème siècle, ça fait un bail* donc !

long-comme-un-jour

J’ajouterai à cette expression cette autre : « Long comme un jour sans pain ». Celle-ci remonte à la moitié du XVIIème siècle mais c’est au XVIIIème qu’elle prend son sens figuré et décrit le terrible ennui lié aux longues journées sans rien faire d’autre que d’attendre – un morceau de pain pour certains, l’aliment de base, et seulement attendre pour d’autres, quand on a du pain sous la main.

Bien, j’espère que vous avez assez de ressources en vous et d’idées pour passer ces longues journées de confinement. Quant à moi, cela me permettra peut-être de mettre un peu à jour ce blog qui hiberne un peu, « un mal pour un bien » donc ! 🙂

Expressions bonus :

  • Ça fait un bail = ça fait longtemps.
  • Un mal pour un bien = une chose négative en apporte une bonne.

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Avoir un poil dans la main

L’expression est apparue l’autre jour en classe et ne peut manquer à ce blog. On pourrait même croire, au vu du peu d’entrées éditées dernièrement, que j’ai moi-même un poil dans la main mais il n’en est rien, j’avais plutôt au contraire beaucoup de pain sur la planche et peu de temps à dédier aux « extras ».

Mais alors, que veut dire avoir un poil dans la main ? Cela décrit une personne très très paresseuse, qui ne veut rien faire. L’expression est datée du début du XIXème siècle lorsque les travaux étaient encore principalement manuels et on peut supposer qu’une personne qui échappait à toute tâche pouvait se voir affublé de tares physiques inattendues comme un poil dans la main…Mais à vrai dire l’origine et l’explication de l’expression n’est pas certaine. Aujourd’hui, les paresseux ayant souvent un outil technologique dans les mains (portable, tablette…), le poil ne grandirait peut-être plus aussi facilement au creux de la paume…

Vous saurez en tout cas que si on vous dit que vous avez un poil dans la main, cela signifie que vous êtes un fainéant, un glandeur ou un tire-au-flanc…Bref, pas vraiment des compliments !

avoir-un-poil-dans-la-main

Dessin de Zelda Zonk pour TV5monde

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Ça va faire du bruit dans Landerneau

Il y a des expressions qui nous viennent directement par héritage paternel ou maternel…C’est le cas de cette expression « Ça va faire du bruit dans Landerneau » que ma mère utilisait et qu’elle transformait complètement car dans mon souvenir elle disait plutôt « Y´a du monde dans Landerneau! ». Je la revois encore, conductrice prudente et mal assurée, à un carrefour et se désespérant de pouvoir se lancer entre deux véhicules « Oh là là, y´a du monde dans Landerneau aujourd´hui ! ». Comprenez : il y a trop de monde, je ne peux pas passer !

Eh bien, ce qui est comique, c´est que l’expression originale n’est pas « Y´a du monde » mais « Ça va faire du bruit dans Landerneau » et signifie : c’est une affaire qui va faire beaucoup de bruit, qui va déclencher des commérages. Rien à voir donc avec la densité de la circulation ou une foule compacte qui ne vous laisserait pas avancer. Et c’est grâce à FrancofiLs que je découvre cette fantaisie de ma mère car je me demandais d’où venait cette expression que j’utilise aussi et je me suis rendu compte qu’elle l’avait transformée à sa sauce, ce qui me la rend d’autant plus attachante.

En tout cas, Landerneau est devenu célèbre grâce à cette expression : petite ville de Bretagne dans le Finistère (répertoriée ici sur wikipédia), elle serait passée relativement inaperçue si la langue française ne l’avait aussi bien intégrée à ses dictons. Pas moins de trois origines semblent expliquer la mention à Landerneau :

  • Une pièce d’Alexandre Duval, écrite au XVIIIème siècle, Les Héritiers, dont un des personnages – un marin – réapparaît dans sa ville natale – Landerneau – alors que tout le monde le croyait mort ; un valet s’écrie alors : « Oh le bon tour ! Je ne dirai rien, mais cela fera du bruit dans Landerneau ! ». Évidemment les héritiers en train de se disputer la succession ne voient pas d’un bon oeil le retour de ce ressuscité et les rumeurs commencent à s’amplifier dans le village…
  • Dans une autre version, on explique que cela viendrait du tir de canon que l’on envoyait au bagne de Brest lorsqu’il y avait une évasion. Le bruit retentissait alors jusqu´à Landerneau et on disait « Ça va faire du bruit à Landerneau »…Soit pour le bruit mais cela n’explique pas la déferlante des potins ceci dit…
  • On trouve aussi la mention du tintamarre (= grand bruit) que les habitants faisaient sous les fenêtres d’une veuve trop vite remariée à Landerneau, et par extension on utiliserait aussi le toponyme « Landerneau » comme nom commun dans les expressions « un Landerneau culturel » ou « Landerneau montagnard » par exemple pour désigner des milieux considérés comme fermés et de haut niveau ayant leurs propres manies, jargons etc.

Bon, à vrai dire, ma mère n’arrivait pas jusque là ou bien elle associait foule et tintamarre…En tout cas, l’expression qui a rendu célèbre la localité vaut à Landerneau la belle occasion d’organiser une « fête du bruit » chaque été. Et même si je sais à présent que l’expression n’est pas tout-à-fait telle qu’elle la disait, je dois avouer que moi je continue à l’employer à sa manière…Et en ce moment en terre catalane, entre les casseroles qui tintent à 22h et les manifestations qui réunissent des foules, on peut facilement jongler de l’une à l´autre Y’a du monde ou Ça va faire du bruit dans Landerneau ! 😉

 

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Savez-vous planter les choux ?

Savez vous planter les choux ?

Savez vous planter les choux ?

Ce n´est pas un légume de saison, mais je continue avec mes histoires de choux, histoire de ne pas rester sur notre faim après la choucroute (et d´engager cette rentrée scolaire le ventre bien rempli).

Première surprise pour les étudiants, entendre les francophones s´écrier « Oh ! Comme c´est chou ! »  pour « Oh, comme c´est mignon ! » ou, plus insolite encore, surprendre les parents  dire à leur enfant « Qu´est-ce que tu veux manger ce soir, mon petit chou ? ». Voire l’amoureuse ou l´amoureux à son copain/ sa copine :  mon-chou« Mon chéri, mon chou, mon lapin… » : drôle de sobriquets mais c´est ainsi, on invite ce drôle de légume – pourtant pas si glamour ! – au milieu de tous les noms d´animaux qui se mélangent dans le panier de la tendresse (ma poulette, mon chat, mon loup, mon canard en sucre – le top du kitsch !…). Et, bien-sûr, dans le cadre de l’école et de la classe, il y a « le chouchou du prof » = l´élève préféré/e (même si bien-sûr, tout enseignant s´en défend !).

Agnan dans Le Petit Nicolas, Sempé/Goscinny

Agnan dans Le Petit Nicolas, Sempé/Goscinny

bout-de-chouPour les enfants, que l’on surnomme aussi « les bouts de chou », est-ce parce que l´on dit que les petits garçons naissent dans les choux ? (et les filles dans les roses…mais ne dites pas pour autant « bouts de rose » pour les filles , on ne vous comprendrait pas !). Imaginez la conversation : « Mon chou, j´emmène les bouts de chou à la piscine cet après-midi, peux-tu préparer les choux à la crème ? Et comme plat principal, une choucroute ou du chou-fleur en béchamel ?  »  😉

 

être-dans-les-chouxPar contre si vous entendez dire quelqu´un qu´il est « dans les choux », c´est qu´il est soit très fatigué et pas du tout concentré à sa tâche ou alors qu´il vient d´échouer quelque chose (l´expression viendrait de la proximité phonique entre « chou » et le verbe « échouer » = rater). Et, pour rester dans les échecs et le fait de « rater son coup », nous avons aussi l´expression faire chou blanc. Ne pas obtenir de résultat, louper quelque chose. « La police n´a pas attrapé les bandits et a fait chou blanc ».

faire chou blanc sur wiktionnaire

Cette étrange expression semble nous venir de la façon de parler des Berrichons (gens du Berry, région au centre de la France) qui prononçaient « coup » – « chou ». Donc un coup blanc (soit un coup nul, raté) devenait un « chou blanc ».

 

Étonnant finalement quand on sait que l´on dit « c´est bête comme chou » pour quelque chose qui est considéré comme très facile…bête comme chou

À l´opposé, vous avez « faire ses choux gras de quelque chose » = en faire son régal (voire un festin) ou, plus communément, tirer profit de quelque chose, en retirer un avantage (mais souvent avec un sens péjoratif car au détriment de quelque chose ou quelqu´un d´autre).

Je vais arrêter là pour cette reprise. Je sens que vous êtes rassasiés*  et qu´avec autant d’expressions d´un coup, vous allez frôler l´indigestion et finirez peut-être par être dans les choux…Je penserai à un plat léger pour notre prochain menu, promis 🙂

Bonne rentrée à tous !

Baby choux

Mot bonus :

– être rassasié = quand on n´a plus faim, que l´on a mangé à satiété.

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Aucun rapport avec la choucroute !

Ça fait une éternité que je n´ai pas écrit ici, faute aux examens, faute à la dernière ligne droite de juin, bref, c´est la faute à Voltaire !* 😉

Ça fait un bail, dirait ma mère (pour se replonger directement dans le bain des expressions…). Pas étonnant d´ailleurs que cette expression me vienne de ma mère puisqu´elle a grandi dans une ferme de l´Anjou et que « ce bail » fait référence aux baux de fermage, c’est-à-dire à la location d’exploitations agricoles, dont la durée était généralement longue. « Ça fait un bail qu´on ne s´est pas vus » = ça fait très longtemps !

Mais, même si ça fait un bail donc que je n´ai pas posté d´article, j´y ai pensé à maintes reprises et j´ai quelques articles sous le coude* pour les semaines à venir.

Une m´est venue à l´esprit suite à la visite d´un couple d´amis originaires d´Alsace, pays des maisons fleuries, de la Flammekueche, des bretzels et…de la choucroute ! Cette bien étrange expression qui, si l´on en croit les débats sur certains forums, restent méconnue par un bon nombre de locuteurs francophones et intriguent tant les étrangers comme les Français d´ailleurs: Ça n´a rien à voir avec la choucroute ! Ou : Aucun rapport avec la choucroute ! Ce qui signifie :ça n´a aucun rapport, aucun lien avec le sujet dont on est en train de parler.

une belle choucroute alsacienne

une belle choucroute alsacienne

 

Ça fait partie des expressions que j´affectionne, pour ce côté surréaliste et absurde (pourquoi la choucroute ?). Ne comptez pas sur moi pour vous expliquer l´origine de cette expression, personne n´a l´air de la connaître ! Par contre, il est intéressant de savoir qu´en anglais il y a des expressions similaires, du type « it has nothing to do with the price of tea in Russia » ou « with the price of beans in China ». 

Avec la choucroute, il y a cependant une autre expression amusante, qui est pédaler dans la choucroute et là il semble qu´il y ait une origine connue ou plausible :

dessin Heidi-Spiegel-sur-pedalerdanslachoucroute.blogspot

dessin Heidi-Spiegel-sur-pedalerdanslachoucroute.blogspot

 

Promis, demain je vous explique…! 😉

Expressions bonus :

c´est la faute à Voltaire ! = extrait des paroles chantées par Gavroche dans Les Misérables de Victor Hugo.

– sous le coude : à disposition, en réserve.

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Je kiffe grave ! Et vous, voulez-vous kiffer avec moi ?

image-sur-frenchspanishonline.com

image-sur-frenchspanishonline.com

Rien de tel que de passer un week-end à Paris en express, dans un lieu aussi bondé que le salon du livre jeunesse à Montreuil, pour faire le plein d´expressions « à la mode » en ce moment dans la capitale. Ou, moins à la mode mais qu´il est plaisant de réentendre (tant cela nous rappelle notre folle jeunesse !).

Je vais donc parler aujourd´hui du verbe « kiffer » qui a plusieurs sens, mais dont le plus utilisé serait : aimer, apprécier franchement quelqu´un ou quelque chose : « Moi, par exemple, je kiffe les albums illustrés pour les enfants. Je ne kiffe pas le métro aux heures de pointe par contre. Et, vous l´aurez bien compris, je kiffe grave les expressions imagées ! . »

Ah oui, quand vous ajoutez « grave » ça fait encore plus « jeune branché », c´est l´équivalent de « beaucoup ». Tu kiffes grave mon post là ! = T´apprécies vraiment beaucoup mon article là ! (merci, c´est un plaisir ! Vous allez voir comment vous allez rajeunir de 20 ans après la

T-shirts-je-kiffe-ma-life

T-shirts-je-kiffe-ma-life

lecture de cet article et à quel point vous allez impressionner les Français en utilisant le verbe « kiffer ». N´oubliez pas cependant que c´est familier, hein ? Ne dites pas à votre supérieur hiérarchique « Je ne kiffe pas trop les heures sup, vous savez ! »).

L´origine du mot est aussi intéressante que sa signification. Argotique, le mot vient de l´arabe, recensé ainsi dans le wiktionnaire :  كيفkyf (« haschisch »).

« Haschisch ! » vous exclamez-vous ! Oui, haschich. Parfaitement. D´où le sens dérivé de kiffer = fumer du haschich et, par extension, s´amuser, prendre du bon temps : « On a kiffé samedi soir en allant dans une soirée brésilienne où on a dansé la samba ! » (sans fumer de haschich, entendons-nous bien 😉 !).

maître-zen-image

maître-zen-image

Et puis, amoureux (ou amoureuse), vous pouvez dire à votre chéri/e : « Je te kiffe ! » = Tu me plais beaucoup.

Ce qui me plait aussi dans ce verbe (enfin, ce qui me fait kiffer je voulais dire…), c´est que c´est un mot voyageur : il est arrivé en France grâce aux vagues successives d´immigration de l´Afrique du nord, dans ce brassage multiculturel et linguistique entre langues et populations. C´est un mot « adopté » donc, qui montre toute la richesse des langues en contact, de la transformation de notre façon de parler grâce à la coexistence des personnes d´horizons et de cultures différentes. Et, samedi à Paris, il y avait justement une grande manifestation contre le racisme, problème très préoccupant en ce moment en France (dès qu´il y a une crise, les vieilles tensions raciales refont surface, c´est scandaleux). Alors, voilà, à travers francofiLs, je brandis le verbe kiffer comme banderole vers un appel à la tolérance : mes amis Abdoulaye, Mohamed, Laïla, Aya, Yasmina, Aziz….JE VOUS KIFFE ! et à travers vous nos ministres issues de l´immigration et qui sont en ce moment honteusement chahuté(e)s et vulgairement moqué(e)s, soyez sûrs du soutien de nombreux concitoyens qui vous considèrent des leurs, nous vous kiffons, nous sommes avec vous !

kiffer-les-humains

kiffer-les-humains

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Le quart d´heure aveyronnais

quart-d-heure (2)Chaque pays, chaque culture a sa propre conception du temps, n´en déplaise au méridien de Greenwich et aux fuseaux horaires. En France aussi, il y a de subtils décalages horaires, connus des habitants et admis culturellement. Ainsi en va t- il du quart d´heure aveyronnais – qui, en réalité, s´étend sur tout le sud : on parle ainsi du quart d´heure toulousain ou marseillais. Mais de quoi s´agit-il au juste ? C´est très simple : si un événement – spectacle, concert ou simple repas – est annoncé à 20h à Millau (Aveyron) ou à Toulouse, ceux qui y assistent ne s´inquiéteront pas de le voir commencer – au mieux ! – quinze minutes plus tard, quelqu´un glissant toujours un »oui vous savez, c´est le quart d´heure aveyronnais… » avec un clin d´oeil de connivence. La ponctualité n´a jamais été de mise dans le sud mais à vrai dire je doute que ceux du nord soient plus précis avec l´horloge. Il est d´ailleurs totalement normal – voire souhaitable, si vous êtes invités à dîner chez des gens, d´observer quelques minutes de retard : cela permet à vos hôtes de terminer les préparatifs sans se sentir dépassés par la situation, le gigot à mettre au four et les verres à vin à placer sur la belle nappe.

Mais finalement si j´ai choisi de spécifier ce laps de quart d´heure dans le cadre de l´Aveyron – un grand département au sud plus peuplé de brebis que d´hommes – ce n´est pas seulement parce que c´est une terre qui m´est chère. C´est aussi parce que c´est là, lors de mon dernier séjour fin août, que j´y ai découvert une nouvelle expression, qui m´a intriguée et beaucoup plu. Nous prenions un café chez une amie et son neveu, agriculteur, est passé. Elle m´avait dit qu´il n´avait pas trop le moral* dernièrement. Elle était donc en train d´essayer de lui tirer les vers du nez (au sens figuré, rassurez-vous : elle essayait de le faire parler et de déceler la vérité) sur ce qui lui arrivait mais bien évidemment le neveu mal à l´aise tentait d´esquiver ses questions. Je n´étais pas très à l´aise moi non plus, tant il est vrai que si j´avais été a la place de cet ami, j´aurais moi-même pris la poudre d´escampette* (= je me serais enfuie/sauvée) car je n´aime pas non plus parler aussi directement de mes états d´âme.  « Tu n´aimes pas ce que tu fais à la ferme ? » lui demanda t- elle à un moment donné. Ce à quoi il répondit – et on en arrive à mon expression : « Ça dépend des quart d´heure« . À travers cette phrase, il mettait fin à la conversation et livrait une demie vérité. Une fois parti, je demandai à mon amie « C´est quoi cette expression de 1/4 d´heure ??? ». Elle rit et m´expliqua que c´était une expression qu´ils utilisaient par ici pour dire « ça dépend des fois, ça dépend des moments ». Cette variation d´humeur en tranches de 15 minutes m´a paru géniale : « Comment ça va en ce moment ? » – « Oh, ça dépend des quart d´heure ! ». En fait, on connait l´expression « Ça dépend des jours » mais passer de l´unité temporelle de la journée à un simple quart d´heure me semble vraiment ironique : les Occitans seraient-ils plus lunatiques que les gens du nord ? À en croire l´attitude des gens du sud décrite dans Le Tour de Gaule d´Astérix d´Uderzo et Goscinny, on peut en effet remarquer que si les gens n´y semblent pas très pressés en général, ils ont par contre tendance à réagir parfois…au quart de tour !

Expressions bonus :

– ne pas avoir le moral : déprimer un peu, ne pas aller très bien.

– prendre la poudre d´escampette : s´enfuir. Ce qui est intéressant ici, c´est que l´expression semble provenir justement de l´occitan « escamper » qui signifiait « se sauver ». Quant à la poudre, elle évoque la poussière que nos pieds soulèvent lorsque l´on s´enfuit, selon le site de L´internaute.

– réagir au quart de tour : s´emporter / se mettre en colère facilement (et rapidement). L´expression fait référence au quart de manivelle qui devait être donné pour démarrer une automobile.

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Indignez-vous !

Stéphane Hessel
Stéphane Hessel

Le slogan-titre de Stéphane Hessel est entré sur le territoire des « mots à charge culturelle partagée ».Un pays réputé pour ses grèves, ses manifestations et sa révolution ne pouvait que se réveiller à l´appel d´un ancien Résistant ayant participé à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l´Homme de 1948, ou, du moins, se sentir concernés. Pourtant, les peuples et les citoyens s´essoufflent sous le couperet d´autres mots à « c.c.c » obsédants : crise, austérité, coupures…Les gens sont épuisés de lutter et de sacrifier leur salaire (qui se réduit comme une peau de chagrin*) ou leur non-salaire pour recevoir, dès le lendemain de la grève, un nouveau lot de mauvaises nouvelles et d´annonces de nouveaux « plans d´austérité ». Les gens sont indignés, oui, mais ne savent plus comment lutter.

Voici quelques proverbes et citations sur la grève :

Quand les éboueurs font grève, les orduriers sont  indignés. Jacques Prévert – Choses et autres.

Il y a deux façons de saboter le droit de grève : le  réglementer comme le fait la droite, l’utiliser à tort et à travers comme le  fait le Parti Communiste. François Mitterant – Ici et maintenant.

 Face à l’ampleur du métier de vivre, on est tenté de  faire la grève. Arthur Dreyfus – Le livre qui rend heureux.

Il manque en Espagne, à mon goût et à ma connaissance, le courage de la désobéissance : on proteste, on s´indigne et on fait grève certes mais dès qu´une nouveau règlement arrive, on l´applique à la lettre de la façon la plus masochiste qui soit. La pression ne marche pas et on finit par tendre soi-même le bâton pour se faire battre. C´est pourquoi, après plusieurs grèves suivies qui ont été en tout point frustrantes, je choisis aujourd´hui une nouvelle formule : la grève par le zèle. J´ai lu que ce type de grève était illicite. Cela me plait alors d´autant plus !

dessin Martin Vidberg sur son blog L´histoire en patates

dessin Martin Vidberg sur son blog L´histoire en patates

*** Expressions en bonus *** 

* se réduire comme une peau de chagrin : diminuer, se réduire progressivement.

* tendre le bâton pour se faire battre : offrir facilement à autrui – par son comportement ou ses paroles – l´occasion ou le prétexte de se faire condamner ou punir.

 

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Parler français comme une vache espagnole

Voici une expression qui vexe plus d´un Espagnol, même quand celui-ci est Catalan (pas tout-à-fait espagnol donc mais nous n´allons pas remuer le couteau dans la plaie* !). Elle désigne une personne qui parle mal le français et a une prononciation peu compréhensible. Le français ou une autre langue d´ailleurs puisqu´on peut dire « je parle anglais comme une vache espagnole ».

vache-espagnole-sur-site-d´Arbon

vache-espagnole-sur-site-d´Arbon

Elle est si courante et intégrée dans le langage – sans pour autant penser spécifiquement aux Espagnols et les accuser d´être de piètres locuteurs de langues étrangères – que je ne m´étais pas vraiment interrogée sur son origine. On m´avait évoqué l´hypothèse que ce « vache » pouvait venir de « basque » (de « vasces » – Gaston, Basque) mais cela n´est pas certifié. J´ai aussi lu que cela pouvait venir d´une autre altération linguistique – de « basse » cette fois – qui se référait à une servante (femme de basse souche) et on imagine alors la soubrette d´origine espagnole ne maîtrisant pas la langue de Voltaire et ne parvenant pas à se faire comprendre de ses maîtres. L´expression semble dater de 1640, elle a donc la vie dure* ! On disait même à l´époque « parler latin comme une vache espagnole », c´est pour dire à quel point on méprise nos voisines bovines depuis des lustres* !!!

L´excellent site www.expressio.fr se rallie pour sa part à la version d´Alain Rey qui suppose que cette expression soit la combinaison d´allusions péjoratives liées à une époque :

– la vache, que l´on retrouve dans les expressions « pleurer comme une vache » (=pleurer constamment et pour rien), « gros comme une vache » ou, plus spécifiquement dans « être sorcier comme une vache espagnole » (=être un incapable).

– les références à l´espagnol qui, à la même époque, étaient connotées péjorativement : payer à l´espagnole signifiait « payer en donnant des coups » et « une espagnolade » était une fanfaronnade, quelque chose de peu sérieux donc.

extrait-dictionnaire-ancien-bilingue

extrait-dictionnaire-ancien-bilingue

En conclusion : on ne sait pas exactement l´origine mais en tout cas ce n´est guère flatteur pour nos voisins espagnols. Que les Catalans se rassurent : je n´ai encore entendu aucune expression dégradante sur les vaches catalanes 😉 !!!

Expressions en bonus :

remuer le couteau dans la plaie = réveiller, raviver une douleur morale.

avoir la vie dure = être résistant au temps.

– depuis des lustres = depuis très très longtemps.

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