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Ça ne casse pas trois pattes à un canard

À la fin de cet été, un couple d’amis franco-anglais est venu passer quelques jours chez moi avec leurs filles pendant que j’étais encore en train de vagabonder sur les routes.

Avant de leur donner quelques conseils de lieux à voir dans le coin, grâce à la magie du message instantané, ils m’avaient devancée et surprise un matin en m´écrivant « On va visiter Solsona »…. – « Solso…quoi ??? Ah bon mais pourquoi ??? » Entendons-nous bien : je n’ai absolument rien contre Solsona – petite ville qui doit avoir son charme – mais la distance (plus d’une heure d’ici) et le peu d’écho touristique de cet endroit ne me semblait pas valoir un tel détour alors que nous avons à proximité de charmants villages de montagne, des excursions à couper le souffle, les lacs d’Andorre ou de Cerdagne où se ressourcer…Et en plus ils étaient là en pleine « Fête Majeure » de La Seu d’Urgell donc c’était très insolite d’aller vaquer vers des contrées aussi éloignées. Je leur ai alors envoyé un long message avec un itinéraire tout tracé pour les jours à venir en leur souhaitant une belle journée dans le Solsonès et en les pressant de me dire si ça valait le coup car je ne m’étais à vrai dire jamais arrêtée dans cette ville. La réponse le soir m’a fait éclater de rire et est la raison d’être de ce post (on en arrive à nos moutons !!!) ; le message disait « Bon alors Solsona, c’est mignon mais ça casse pas trois pattes à un canard ! »

Tout en me demandant d’où pouvait venir cette référence au canard, je me suis immédiatement dit « Cette expression ira sur FrancoFils ». Ça ne casse pas trois pattes à un canard, ça veut dire : « Ça n’a rien d’extraordinaire, ce n’est pas terrible ». Évidemment comme le canard n’a que deux pattes, lui en casser trois tiendrait du miracle et là, bah, rien, pas de miracle, que du banal, ça n’a rien de fantastique. Pauvre canard… »casser » ceci dit aurait dans ce cas le sens d’avoir un effet retentissant » et non « briser ». Et le canard serait plutôt une déformation de « cagnard », le cheval de cagne utilisé pour le labour et qui devait être sacrifié s’il se cassait une seule patte car personne ne savait le guérir (alors 3 n’en parlons pas !).

En espagnol on dirait « No es nada del otro mundo » (ou « del otro jueves ») ou encore « No es como para volverse loco » et en français plus vulgairement on pourrait aussi dire « Y’a pas de quoi se taper le cul par terre! »

Comme cet article en somme qui ne casse pas trois pattes à un canard mais qui a le mérite de ressusciter un peu ce blog dont je n’ai guère le temps ni le loisir de m’occuper dernièrement! (le pain sur la planche, le pain sur la planche, voilà !).

Expression bonus :

On en arrive à nos moutons = arriver au sujet principal, au thème qui nous intéresse.

 

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Ça va faire du bruit dans Landerneau

Il y a des expressions qui nous viennent directement par héritage paternel ou maternel…C’est le cas de cette expression « Ça va faire du bruit dans Landerneau » que ma mère utilisait et qu’elle transformait complètement car dans mon souvenir elle disait plutôt « Y´a du monde dans Landerneau! ». Je la revois encore, conductrice prudente et mal assurée, à un carrefour et se désespérant de pouvoir se lancer entre deux véhicules « Oh là là, y´a du monde dans Landerneau aujourd´hui ! ». Comprenez : il y a trop de monde, je ne peux pas passer !

Eh bien, ce qui est comique, c´est que l’expression originale n’est pas « Y´a du monde » mais « Ça va faire du bruit dans Landerneau » et signifie : c’est une affaire qui va faire beaucoup de bruit, qui va déclencher des commérages. Rien à voir donc avec la densité de la circulation ou une foule compacte qui ne vous laisserait pas avancer. Et c’est grâce à FrancofiLs que je découvre cette fantaisie de ma mère car je me demandais d’où venait cette expression que j’utilise aussi et je me suis rendu compte qu’elle l’avait transformée à sa sauce, ce qui me la rend d’autant plus attachante.

En tout cas, Landerneau est devenu célèbre grâce à cette expression : petite ville de Bretagne dans le Finistère (répertoriée ici sur wikipédia), elle serait passée relativement inaperçue si la langue française ne l’avait aussi bien intégrée à ses dictons. Pas moins de trois origines semblent expliquer la mention à Landerneau :

  • Une pièce d’Alexandre Duval, écrite au XVIIIème siècle, Les Héritiers, dont un des personnages – un marin – réapparaît dans sa ville natale – Landerneau – alors que tout le monde le croyait mort ; un valet s’écrie alors : « Oh le bon tour ! Je ne dirai rien, mais cela fera du bruit dans Landerneau ! ». Évidemment les héritiers en train de se disputer la succession ne voient pas d’un bon oeil le retour de ce ressuscité et les rumeurs commencent à s’amplifier dans le village…
  • Dans une autre version, on explique que cela viendrait du tir de canon que l’on envoyait au bagne de Brest lorsqu’il y avait une évasion. Le bruit retentissait alors jusqu´à Landerneau et on disait « Ça va faire du bruit à Landerneau »…Soit pour le bruit mais cela n’explique pas la déferlante des potins ceci dit…
  • On trouve aussi la mention du tintamarre (= grand bruit) que les habitants faisaient sous les fenêtres d’une veuve trop vite remariée à Landerneau, et par extension on utiliserait aussi le toponyme « Landerneau » comme nom commun dans les expressions « un Landerneau culturel » ou « Landerneau montagnard » par exemple pour désigner des milieux considérés comme fermés et de haut niveau ayant leurs propres manies, jargons etc.

Bon, à vrai dire, ma mère n’arrivait pas jusque là ou bien elle associait foule et tintamarre…En tout cas, l’expression qui a rendu célèbre la localité vaut à Landerneau la belle occasion d’organiser une « fête du bruit » chaque été. Et même si je sais à présent que l’expression n’est pas tout-à-fait telle qu’elle la disait, je dois avouer que moi je continue à l’employer à sa manière…Et en ce moment en terre catalane, entre les casseroles qui tintent à 22h et les manifestations qui réunissent des foules, on peut facilement jongler de l’une à l´autre Y’a du monde ou Ça va faire du bruit dans Landerneau ! 😉

 

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L´english au travail…

Photo-Anaïs-K

Photo-Anaïs-K

Cela fait longtemps que je n´ai pas touché au thème des anglicismes – très présents dans la langue parlée dans l´Hexagone*, beaucoup plus que chez nos cousins québécois par exemple qui luttent contre la domination linguistique toute proche de leurs voisins canadiens ou américains. Et il y a un domaine dans lequel l´anglais prolifère, c´est celui du travail – et de l´entreprise plus particulièrement. C´est mon père – sensible lui aussi à la langue et aux expressions – qui me donne l´occasion de cet article en ayant rescapé de « la poubelle jaune » des articles qui l´avaient intéressé et qu´il allait à présent jeter mais pour lesquels il avait cru bon (et à raison !) de les faire passer par la Catalogne avant qu´ils ne soient définitivement recyclés. Merci papa 😉 Parmi ces articles, l´un d´eux « Ces expressions insupportables du jargon du bureau » signé par Adèle Bréau, m´a beaucoup amusée. J´en sélectionne ici les « perles » empruntées à l´anglais et que les workalcoholics (=bourreaux du travail) doivent bien connaître. D´abord le « brainstorming », toujours à la mode, pour faire bouillir nos neurones et trouver des idées géniales et innovantes. Vous remarquerez que les profs de français lui préfèrent le célèbre « remue-méninges » lorsqu´un nouveau thème est abordé.  Mais en entreprise – surtout si c´est une multinationale, on travaille en « workshop » (= « boutique de travail » ?) – terme chic pour parler d´interminables réunions où il faudra fixer la deadline (délai maximum) sur le prochain projet ou ses next steps (prochaines étapes) qu´il faudra peut-être expliquer via conf’call’ (conférence skype par exemple) aux partenaires étrangers. Expliquer ? Pardon, je voulais dire updater, les mettre au jus, enfin au courant*, quoi ! On peut aussi élaborer un petit rétro-planning (rien de très « rétro » dans cette façon de parler de toutes les choses à accomplir avant la deadline déjà mentionnée) et shooter tout ça dans un mail (= envoyer le tout dans un courriel, je sais je devrais arrêter de traduire bêtement ce que vous comprenez parfaitement mais voyez-vous, j´ai quelques amis québécois que je ne voudrais pas offenser ;-)…). C´est violent, le monde de l´entreprise. Imaginez que vos profs commencent à vous shooter de la règle de grammaire comme ça sans prévenir !!! (déjà qu´elles peuvent faire mal même en les abordant de façon douce et progressive…).

Dessin de Côté-sur-tbearbourges.com

Dessin de Côté-sur-tbearbourges.com

Autre phénomène amusant, la traduction littérale de l´anglais, qui donne des expressions sans queue ni tête (= absurdes) en français mais qui font bien « branchouille » (=branchées, à la mode) et dont on oublie même qu´elles n´existent absolument pas dans notre langue, au départ. Par exemple : « ce wording est un peu confusant, tu ne crois pas ?  » (??? confusing = qui complique les choses ou le joli « déroutant » mais « confusant », euh, je ne crois pas non !) ou le plus répandu « ça fait sens » = it makes sense. Oui, en anglais, ça marche mais en français, comment dire, ça fait cool mais sens, je ne sais pas ! Enfin, avec tout ça, nos lecteurs étrangers apprenant le français seront peut-être rassurés : en faisant leur petite tambouille (=plat mijoté, « petite cuisine ») avec trois mots de français, deux d´anglais et un autre venu d´ailleurs (catalan, castillan, chinois…), la conversation peut quand-même s´engager, des phrases entières peuvent même faire sens ! Et ça, franchement, c´est quand-même sacrément win-win !!! 🙂

A part tout ça, joyeuses Pâques à tous !

 

Expressions ou mots bonus : 

* L´Hexagone = la France (selon la forme du pays. Quand j´avais 6 ans j´avais beaucoup de mal à saisir la ressemblance mais bon…)

* mettre au jus, mettre au courant quelqu´un = l´informer, lui donner des nouvelles.

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