À la faveur d´un week-end express à Paris pour le pont carnavalesque de mars, je remplis mes poches de quelques expressions « dans le vent ». En réalité, une seule, que je tiens de mon frère cadet car mes « enregistrements pirates » dans le train, le métro ou dans la rue ont été trop maigres pour découvrir mille nouveautés. Nous parlions je crois des expressions qui passent, celles qui sont à la mode un temps puis tombent aux oubliettes (= disparaissent). Vous constaterez avec quelle facilité j´entraîne mes interlocuteurs sur mon terrain de jeux de prédilection (les mots, les expressions) quand bien-même ils préféreraient parler foot (bon, mes frères ne sont pas des grands fan de foot non plus ; plutôt architecture ou construction, design et nouvelles technologies en fait). Qu´à cela ne tienne, ils savent bien qu´ils ont (au moins) deux accros à la langue de Molière dans la famille : la soeur et le père. Et ils ne s´offusquent donc pas de devoir parler à la table familiale, entre la poire et le fromage, des mots qui entrent et sortent dans le dictionnaire de l´Académie Française ou ceux qui volent de bouche à oreille un temps incertain.
Donc, pour revenir à la fameuse expression que mon frère m´a apprise, la voici : « T´es un gonfleur ! », « C´est un gonfleur ce mec ! ». Intéressant….et ça veut dire quoi ? « C´est quand quelqu´un exagère », m´explique mon frère. « Par exemple, il raconte sa soirée et en rajoute des tonnes pour faire croire que c´était génial, et l´autre – envieux ou moqueur – le coupe « Oh là ça va, t´es un gonfleur toi ! ». Quelqu´un qui gonfle l´information en fait ! C´est drôle parce que moi j´en étais restée à l´expression « Tu me gonfles ! » = Tu m´énerves. Ou encore « Il est gonflé celui-là ! » = Il a du culot, il ne manque pas d´air. Ok, expliquer une expression par une autre expression n´est peut-être pas le plus limpide…je vais prendre des exemples : quand on dit de quelqu´un qu´il est gonflé, c´est une façon elliptique de dire « gonflé de courage ou d´audace » mais cela sous-entend que cette personne, en se servant de cette témérité, manque aux convenances et qu´il se montre insolent. Quelqu´un qui vous double pendant que vous faites la queue au supermarché est « gonflé ». Cela équivaudrait au « tener morro » en espagnol.
Donc on passe là du statut de gonflé à gonfleur ! Et on semble écarter le recours habituel au « Marseillais », stéréotype de celui qui exagère en toutes circonstances, pour parler de cette tendance à amplifier toutes les informations afin de les rendre extraordinaires et d´impressionner son auditoire (le Marseillais en Espagne devient, si je ne me trompe pas, « l´Andalou » à qui on colle le même stéréotype d´exagérateur !). « Eh t´es Marseillais toi ! » devient « Eh t´es un gonfleur ! ». Les nouveaux scénaristes d´Astérix devront donc peut-être en tenir compte. Dans « Le tour de Gaule d´Astérix », truffé de références culturelles et de stéréotypes sur les régions, on retrouve en effet l´image du Marseillais qui en fait des tonnes et grossit les informations pour les dramatiser. Je soupçonne alors que ce glissement lexical du gonflé au gonfleur vient peut-être…d´un Marseillais fatigué de porter ce stéréotype ? Affaire à suivre…
(image provisoire en attendant de mettre celle du Marseillais comparant un vent fort à l´irruption du Vésuve) :
Expressions bonus :
– être accro à quelque chose : avoir une dépendance, une addiction à qqch.
– entre la poire et le fromage : Entre deux sujets, « l´air de rien » et sans transition. vous pouvez cliquer sur le lien pour retrouver l´article s´y référent.