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Des « troncations » trompeuses…

Le français est une langue paresseuse. Un mot jugé trop long par le locuteur sera « décapité » comme le fut Louis XVI à la Révolution (j´ai l´inspiration sanglante ce matin, âmes sensibles pardonnez-moi ! C´est imagé bien-sûr…).

Ce phénomène, en linguistique, s´appelle la troncation. Les sciences du langage ont toujours des mots compliqués pour parler des phénomènes les plus communs et vous pouvez quant à vous, si vous préférez, l´appeler « l´effet guillotine ». Bon, mais ça consiste en quoi ?

C´est très simple. Prenez par exemple les mots philosophie, mathématiques, biologie, professeur, communication, géographie, écologiste, adolescent, publicité. Tendez maintenant vos oreilles et captez au vol d´une conversation entre francophones ces mêmes mots ; vous entendrez : philo, maths, bio, prof, com, géo, écolo, ado, pub. Voilà, ce n´est pas plus compliqué que cela la « troncation », c´est simplement quand la « guillotine linguistique » est passée par là. Les Français aiment les mots mais ils ont la flemme (= la paresse) de prononcer toutes les syllabes…alors ils coupent !

Mais là où ça devient drôle et où cela plait particulièrement à notre blog FrancofiLs c´est quand un de ces « mot guillotiné » conduit à un faux-ami en langue étrangère. Je vous laisse apprécier l´effet avec cet extrait de L´auberge espagnole, film de Cédric Klapisch, lorsque l´étudiante britannique découvre le mot « fac » en français pour la première fois. Pour visionner cet extrait, cliquez sur le lien suivant (puisque mon blog ne me laisse plus insérer « l´embed » : il a été décapité lui aussi ???) :

Auberge espagnole – la fac

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Faux-amis de l´été : l´ombre et la mascotte

la mascotte d´une classe (Ficelle)

la mascotte d´une classe (Ficelle)

L´autre jour, je suis tombée dans le piège d´un faux-ami, sans comprendre immédiatement la gaffe* que je faisais. Dans un cours de première année, j´avais une toute jeune étudiante de 13 ans, la plus jeune du groupe, adorable, vive, rigolote mais qui s´entêtait à parler en catalan et oubliait souvent que les jeux qu´on faisait avaient pour principal but de pratiquer le français. Je la taquinais un peu et comme les autres étudiants s´amusaient aussi de ses réactions, je me suis exclamée un moment : « Ah mais A… c´est un peu notre mascotte, la mascotte du groupe ! ». J´ai vu des regards étonnés, des exclamations, quelqu´un qui répétait « La mascota ! », l´air de dire « Se pasa un poco la profe ! ». Sur le moment, concentrée sur la prochaine activité du cours, je n´ai pas du tout réalisé que je créais un malentendu à partir de ce mot. La « mascotte » en français est un être ou un objet considéré comme portant bonheur, quelqu´un qui représente et lie le groupe, en est un emblème sympathique, attachant. C´est un terme très positif. Mais en espagnol, « la mascota » désigne l´animal domestique que l´on a chez soi (le chien, le chat, le hamster…) et malgré toute l´affection qu´on peut lui porter, ce n´est pas forcément flatteur d´attribuer ce mot à une personne ! Bref, voici un exemple typique de malentendu interculturel quand un mot très ressemblant (un faux-ami donc) est interprété de façon diamétralement opposé dans une langue et dans une autre.

mascotas - animaux domestiques

mascotas – animaux domestiques

Donc, que ceci soit dit ici : chère A…, je ne disais pas que tu étais notre petit animal de classe mais son symbole le plus affectueux et attachant ! Il y a cependant une autre dimension dans cette anecdote, qui est contenue dans ce proverbe : « Qui aime bien châtie bien » = c´est une preuve d´affection quand on se moque de quelqu´un ou qu´on est un peu dur avec lui, quand on fait remarquer ses défauts. Ce proverbe est assez révélateur d´un comportement typiquement français : quand on aime bien quelqu´un, au lieu de le flatter, on le taquine !

 

La deuxième anecdote me vient de mon père, en visite ce week-end et qui m´a rappelé cette histoire de jeunesse qui fait toujours beaucoup rire la famille. Quand il était jeune, il avait visité l´Espagne avec un groupe de copains en voiture et, arrivés dans une ville andalouse, ils cherchaient une place de parking à l´ombre. Un de ses amis, le moins timide du groupe, était allé à la rencontre d´un autochtone pour lui poser la question dans son castillan de survie. Il n´avait pas compris pourquoi l´Espagnol était parti en courant quand il lui avait demandé très innocemment : « Donde hay un lugar con « ombre » para toda la tarde ? » Évidemment, le copain de mon père pensait que « ombre » était l´équivalent de l´ombre en français (« la sombra ») et ne ressemblerait pas à « homme » (« hombre ») en espagnol ! D´où le malentendu et la fuite de l´interlocuteur andalou, effrayé par sa rencontre avec ces drôles de Français pervers !!!

ombres sur les dunes - photo B. Chevalier

ombres sur les dunes – photo B. Chevalier

Moralité de ces histoires par ce « dicton » : Il faut toujours tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

Et j´ajouterai : quand on parle en langue étrangère, peut-être faut-il même la tourner 14 fois !!!

Note :

* une gaffe = une maladresse. Faire une gaffe = dire quelque chose de façon maladroite en méconnaissant ou oubliant une situation.

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Deux autres amis peu fiables…

Crets-de-Champel, Genève, photo sur le blog du chat hong-kongais Kojak !Pendant que vous continuez à tisser votre texte (j´ai sous-estimé les besoins logistiques en comptant 2 semaines, ça sera plutôt 3 ou 4, qu´importe ! Vous savez bien que  Tout vient à point à qui sait attendre*, n´est-ce-pas ?), bref pendant ce temps-là, je vais vous parler de deux autres faux-amis que l´on rencontre souvent chez les locuteurs hispanophones : espérer et communiquer.

Espérer : « Espère moi !» ou « j´espère le bus ! » sont des phrases grammaticalement correctes, dotées d´une pointe de poésie mais qui sont surprenantes en français. En réalité, dans un usage plus ancien du français, « espérer » pouvait effectivement avoir le sens « d´attente ». Mais à présent il est plus directement lié à l´espoir , au fait de compter sur la réalisation d´un fait ou d´un événement (positif et favorable) que l´on souhaite.  « J´espère que j´aurai ce poste », « J´espère que tu pourras venir à ma fête » etc. Dans les contextes cités précédemment, il faudrait donc dire « Attends moi ! » ou « j´attends le bus ».

Il attend le bus….et espère que sa fiancée en descendra pour le rejoindre !

Ben

 Communiquer : XXIème siècle, ère de la société de l´information et de la communication… Le verbe « communiquer » existe bel et bien et décrit une réalité fort présente : on communique par téléphone, via internet, réseaux sociaux, mails…voire télépathie pour les plus ésotériques ! Il y a même dans les entreprises et les sphères politiques des « chargés de com » : entendez de communication. Il y a des écoles de commerce et des écoles de com (communication toujours : vous voyez on abrège et comme ça, ça ressemble à une adresse internet www.*=$#€&.com ! ) Donc où est le problème ? Le dérapage vient quand vous parlez des villes. Ex : Granollers est une ville très bien communiquée : il y a des bus, des trains etc. Non, dans ce cas ça ne marche pas. Imaginez le dialogue : « Allô Granollers ? ici Barcelone.  Je vous envoie un train à 9h48 et un bus à 10h23, ça vous convient ? Bon, il faudra annoncer des retards car aujourd´hui y´a grève mais ne vous inquiétez pas vous resterez bien communiqués ». Non ! non non non, c´est très joli mais ça ne se dit pas du tout. Oubliez donc la communication pour les transports (même s´ils disposent de hauts parleurs et diffusent des messages – en général catastrophiques, ni le bus ni le train ni l´avion n´ont encore de bouche et ne parlent !). ll faudra donc apprendre ce nouveau mot et dire : « Granollers est bien desservie. Il y a un bon réseau de routes, de trains, de bus »…desservir = assurer un service de communication. Le nom, peu usité, serait « la desserte ». À ne pas confondre avec le dessert, attention (oups, je vais semer la confusion avec ce genre de remarque !). Pensez qu´on emploie surtout l´adjectif : un village mal desservi, une ville bien desservie…

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espère de tout cœur que cette petite communication vous sera utile ! Remettez ces deux amis ambigus dans leur contexte  et tout se passera bien ; je vous laisse avec une dernière image pour bien fixer le verbe « attendre » 😉

* Tout vient à point à qui sait attendre : proverbe. Il faut être patient et tout arrive au moment opportun !

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Deux amis à avoir à l´oeil

Allez, assez parlé de façon imagée, passons cette fois aux faux-amis. Chose promise chose due ! (ça y est, ça me reprend, côté proverbe cette fois).

Premièrement, éclaircissons un point : qu´est-ce qu´un faux-ami, dans le domaine des langues ? (on ne parlera pas ici de la vie privée, cela ne nous regarde pas. Mais bon, on espère que vous n´avez que de vrais amis !!!). Bref, donc un faux-ami linguistique : c´est un mot dans la langue étrangère qui ressemble beaucoup à un mot de votre langue mais qui n´a pas du tout le même sens. En général cela crée des confusions, voire de drôles de quiproquos. Une de mes amies de Valencia – en séjour à Montpellier – a ainsi demandé un médicament à la pharmacie parce qu´elle était « constipée » – de « constipada » en espagnol = ENRHUMÉE en français. La constipation existe bel et bien en français mais c´est un autre problème : cela concerne la digestion, le transit…le fait de ne pas pouvoir aller aux toilettes (nous ne nous étendrons pas plus sur le sujet, hein, vous avez compris…). Bref après une semaine de médicaments contre la constipation, mon amie a réalisé qu´elle s´était peut-être trompée de traitement et de…mot ! Donc retenez : quand vous êtes « constipat/da », « constipado/a », en français vous avez un rhume (ou : « je suis enrhumé(e) » – prononcez bien le U : [y]).

Quelques semaines après, c´était à mon tour d´être à Valencia et de rencontrer un faux-ami franco-espagnol. Je voulais expliquer à ma colocataire que j´étais embarrassée (j´ai oublié pourquoi), bref que quelque chose m´avait gêné. J´ai donc traduit littéralement, assez sûre de moi, « estoy embarazada porque… » et là, stupeur, ma copine a sauté au plafond, de joie : « Estas embarazada, que bien, felicitación ! » et moi : « ? ? ? ! ! ! » – bref après quelques minutes de confusion et d´intercompréhension culturo-linguistique, on a vite remis les choses à plat : non, non, non je n´étais pas du tout ENCEINTE, juste gênée !

Il est embarrassé. Et surpris...Dessin Calvin & Hobbes

Celle-ci est enceinte...

 
 

Voici 2 exemples de faux-amis. C´est marrant parce que j´avais prévu de vous parler de deux autres et pas du tout de ceux-là mais voilà, une introduction s´imposait et ces deux amis malicieux ont rappliqué. Je garde les 2 autres « sous le coude », patience !

Note : « mettre (ou remettre) les choses à plat » =  mettre les choses en ordre (ici : éclaircir les choses). « garder quelque chose sous le coude » = le garder en attente, en préparation. Quant au titre de cet article, « avoir à l´oeil quelqu´un ou quelque chose » signifie s´en méfier, le surveiller. Surveillez vos faux-amis !

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